56) Catherine II, despote éclairé ou mégalomane pragmatique?



Depuis 1762, Catherine II règne en autocrate (unique détentrice d’un pouvoir dit de droit divin) sur une population essentiellement composée de serfs dans l’immense Empire russe. Admiratrice des Lumières françaises, surnommée la « Sémiramis du Nord » par Voltaire, elle finance l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert et propose a l'empereur de Habsbourg un projet de Partage de l'Empire ottoman entre la Russie, l'Autriche et la France...

Le projet « byzantin » ou  « grec » était exposé dans la lettre confidentielle de Catherine II à Joseph II du 21 septembre 1782. Mais ce qui était couché sur papier, flottait  déjà dans l'air deux années avant. Ensuite,  le secrétaire de Catherine, A. A. Bezborodko, a rédigé un brouillon, puis le prince Potemkine y a apporté des corrections. Le projet était géopolitique et prévoyait un redécoupage de la carte de l'Europe du Sud-Est.

"Les relations roumano-hongroises dans la perspective de la construction européenne", René Bustan (2007)

Une histoire d'amour impériale et l'origine des roumains

L'impératrice jugeait opportun de créer entre les trois empires - russe, ottoman et celui des Habsbourg une sorte d'état tampon, indépendant d'eux qui comprendrait la Moldavie, la Valachie, la Bessarabie  sous le nom de Dacie (du latin Dacia). Il serait dirigé par un monarque chrétien attentif aux intéret de Petersbourg et de Vienne. Cet état ne devait jamais s'unir avec l'Autriche ou avec la Russie. Les lettres de Cobenzl montrent bien que la Dacie était clairement prévue pour être le royaume de Potemkine.

En 1774 Grigori Potemkine devint l'amant et le favori de Catherine II jusqu'à sa mort. En 1776, à la requête de Catherine, l'empereur Joseph II élève Potemkine au rang de prince du Saint-Empire romain germanique.

Le prince Potemkine (1739 - 1791) espérait obtenir la vice-royauté de la Crimée, ou régner sur la Valachie et la Moldavie, auxquelles Catherine avait restitué leurs anciens noms de Tauride et de Dacie. Il est mort pendant les négociations sur le Traité de Jassy (Iași) - signé le 9 janvier 1792.

En 1789, les troupes du prince de Saxe-Cobourg conquiert Bucarest, tandis que les Russes avancent en Valachie et, avec l'appui d'un important corps autrichien, remportent des victoires sur les turcs à Focşani. L'objectif du traité de Iași (Jassy) était de mettre fin à la septième guerre russo-turque déclarée par les Ottomans à la Russie en 1787 parce que cette dernière avait occupé le khanat de Crimée (1783) et le littoral septentrional de la mer Noire. À la fin des négociations l’Empire ottoman reconnaît l'annexion russe de la Crimée tandis que la Russie évacue les principautés danubiennes (toute ressemblance avec la stratégie de Poutine en Crimée et dans le sud-est de l'Ukraine ne serait que pure coïncidence, n'est-ce pas?).

Le 18 février 1790, le Quartier Général de l'Armée russe, installé à Jassy, commandé par le prince Potemkine fit paraître dans la capitale de la Moldavie le premier numéro d'un journal en français, intitulé "Courrier de Moldavie". Entre les trois mots du titre apparaissent les armoiries de la Moldavie : une tête d'aurochs.


La Dacie

La Dacie (invoqué par Catherine la Grande) est, dans l’Antiquité, un territoire de la région carpato-danubiano-pontique correspondant approximativement à ceux des actuelles Roumanie, Moldavie et des régions adjacentes. Le mot Dacie vient du nom romain de ses occupants principaux, les Daces, qui sont très proches des Thraces.

La question des origines du peuple roumain a été au cœur d’une vaste controverse à l’échelle européenne durant deux cents ans, opposant les partisans d’une continuité d’un peuplement roman sur l’actuel territoire de la Roumanie depuis la conquête de la Dacie par Trajan (101-102 et 105-106) jusqu’à l’époque contemporaine, et les adversaires - adeptes de la théorie dite « migrationniste », postulant que la Dacie fut une tabula rasa entre la fin de la domination romaine (271 - 275) et la conquête hongroise du Bassin carpatique (900 - 1100). Selon cette deuxième théorie l’essentiel de la romanisation s’est produite au sud du Danube et les roumaines (valaques): le thraco-daces romanisés (au nord de la Ligne Jireček) ont émigré au nord du Danube - au IXe siècle, en raison de la poussée bulgare.

À ces deux théories antagonistes, s’ajoute une troisième théorie universitaire, postulant une séparation progressive, du VIIe siècle au XIIe siècle, des populations thraco-daces romanisées Nord- et Sud-Danubiennes en raison de l’installation massive des slaves parmi elles, alors qu’elles avaient auparavant évolué de part et d’autre du Danube, sur les deux rives.

Découvrez ensuite - dans la thèse de doctorat suivante (paru en avril 2007), quelques considérations sur la continuité des daco-romains en Dacie :
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René Bustan (l'auteur de cette these) est diplômé de la Sorbonne, docteur en Relations Internationales.

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